Métabolites organiques urinaires

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Métabolites organiques urinaires

Notre corps héberge une colonie d’habitants que sont les micro-organismes. Cet ensemble de bactéries, virus, champignons, parasites non pathogènes constitue le microbiote.

Il en existe plusieurs: cutané, vaginal, buccal ou placentaire dont le plus important est le microbiote intestinal (ou flore intestinale) avec 1014 microorganismes soit 2 à 10 fois plus de cellules que notre organisme lui-même pour un poids total avoisinant les 2kg.

Le microbiote intestinal est localisé le long du tractus gastro-intestinal et principalement dans l’intestin grêle et le colon, l’acidité gastrique rendant l’estomac quasiment stérile.

Le microbiome bactérien, génome de ces micro-organismes issus de plus de 1000 espèces, vient s’ajouter à l’ensemble des gènes du génome humain : on parle alors de metagénome.

La grande majorité des microorganismes présents dans l’intestin n’est pas toujours détectée par les techniques classiques de cultures de bactéries. Le séquençage du génome et notamment les études de l’ARN16S des bactéries ont permis de révéler la grande diversité du microbiote et ses aspects métaboliques

Rôles du microbiote :

En puisant ses ressources nécessaires à son propre métabolisme dans les aliments ingérés, le microbiote joue un rôle dans la défense et le renforcement de l’immunité, le développement des microvillosités intestinales et la motricité du tube digestif, l’hydrolyse de l’amidon, de la cellulose et des polysaccharides, la régulation des voies métaboliques (absorption des acides gras et de certains minéraux), la fermentation des nutriments ayant échappés à l’assimilation dans la partie haute de l’intestin, le métabolisme des peptides et la synthèse de vitamines.

En créant une véritable symbiose avec l’organisme-hôte, le microbiote contribue à notre homéostasie métabolique et est un acteur majeur de notre équilibre physique et psychique.

Le microbiote intestinal :

Selon le Professeur Alain Rimbault, Laboratoire de Microbiologie, Faculté de Pharmacie (Université René Descartes)
La population microbienne est essentiellement constituée de bactéries anaérobies, incapables de se développer en présence d’oxygène moléculaire.

Le colon et l’intestin grêle représentent donc un immense bioréacteur anaérobie.
La flore anaérobie représente 99% du microbiote intestinal, la flore aérobie ou micro aérobie n’est que de 1% environ.
La flore dominante anaérobie comporte plusieurs espèces du genre Bacteroides du groupe fragilis, les bactéries anaérobies du genre Clostridium étant à un niveau plus faible.

D’autres bactéries anaérobies du genre Bifidobacterium, Eubacterium, Fusobacterium, Peptoniphilus sont présentes à des niveaux divers.
Les bactéries aéro-anaérobies facultatives (comme Escherichia Coli) sont mille fois moins nombreuses que celles du genre Bacteroides.
Des levures anaérobies facultatives du genre Candida peuvent être occasionnellement présentes.

D’autres micro-organismes anaérobies ne sont recherchés qu’exceptionnellement, à savoir les bactéries sulfatoréductrices et les methanoarchaea (anciennement appelés bactéries méthanogènes). Pour ces derniers, certaines espèces sont présentes dans l’intestin de certains individus. Environ 40 % des individus méthanoformateurs éliminent du méthane dans les gaz intestinaux et l’air expiré.

Les métabolites de la flore intestinale sont soit éliminés directement et en l’état (air expiré, selles) soit absorbés et éliminés avec ou sans transformation hépatique (sulfoconjugaison, conjugaison avec la glycine, la taurine, b-oxydation) dans les urines, la sueur et la bile puis les selles.
Les métabolites formés par un type microbien donné peuvent représenter les substrats d’un autre type microbien, dans le cadre de relations complexes.

Ces phénomènes, extrêmement importants chez les micro-organismes anaérobies, sont souvent oubliés et peuvent expliquer l’échec de certains isolements en culture pure in vitro. La flore intestinale peut aussi présider à des réactions de biotransformation de composés d’origine humaine (cortisol, etc.) ou exogènes (aliments, nutricaments, prébiotiques, xénobiotiques ou médicaments). Les métabolites formés peuvent être eux-mêmes éliminés en l’état ou absorbés et éliminés avec ou sans transformation hépatique.

Les capacités métaboliques des bactéries anaérobies sont très nombreuses et elles varient selon l’espèce concernée.

Différents facteurs peuvent affecter la composition qualitative et/ou quantitative du microbiote : âge, régime alimentaire, motilité intestinale, traitement antimicrobien, etc…

La digestion est l’ensemble des transformations subies par les aliments ingérés afin de permettre l’assimilation de leurs nutriments dans l’organisme.

Grâce à l’orchestration parfaite des nutriments issus de l’assimilation des aliments ingérés, l’organisme fabrique ses protéines, ses hormones et ses neurotransmetteurs. La synthèse de ces principes actifs vitaux permet d’assurer le fonctionnement corporel, organique et cérébral de notre organisme et de générer les outils nécessaires à notre longévité, tels que nos propres anti-inflammatoires par exemple.

Dans certaines conditions, les enzymes peuvent devenir inopérantes. N’assurant que partiellement la digestion, elles favorisent ainsi la création de substrats pour certaines bactéries indésirables.

Les micro-organismes présents dans le côlon possèdent des caractéristiques génomiques leur conférant la capacité d’utiliser les nutriments « providentiels » qui ont échappé à la digestion dans la partie haute l’intestin. En retour, elles produisent des métabolites (acides carboxyliques à chaîne courte) qui, une fois absorbés par les cellules intestinales, deviennent substrat et régulateur métabolique de l’hôte.

Tous les processus vitaux, de la marche à pied quotidienne, au passage transmembranaire des ions et molécules, réclament de l’énergie. Elle trouve sa source dans la combustion de notre alimentation quotidienne, avec cette différence qu’à ce processus explosif, exergonique, libérant uniquement de la chaleur, les cellules de notre organisme opposent une oxydation progressive, par étapes des nutriments carbonés (glucides, acides gras, acides aminés) aboutissant à une libération de chaleur nécessaire à la thermorégulation certes, mais aussi à une mise en réserve d’énergie sous forme d’ATP.

Cette combustion biologique, graduelle, contrôlée par une trame de plusieurs centaines de machines enzymatiques, équipées de facteurs vitaminiques et de minéraux ou éléments traces, donne naissance par des mécanismes de fragmentation et d’oxydation à des composés intermédiaires sur la voie de l’oxydation complète en CO2 et H2O : les acides organiques (Dr Robert NATAF).

Sur les 700 acides organiques que nous éliminons quotidiennement dans l’urine, nous en avons sélectionné certains dont le dosage permet d’explorer le dysmicrobisme : les Métabolites Organiques Urinaires.

Intérêts des Métabolites Organiques Urinaires :

Le bilan des métabolites organiques urinaires est un index du métabolisme entre l’hôte et le microbiote. Les métabolites identifiés sont des indices de l’équilibre entre la flore microbienne symbiotique et la flore microbienne indésirable.

La variation de cet équilibre, soit par une croissance excessive, soit par une diminution importante de certaines d’entre elles, est susceptible d’impacter l’organisme qui les héberge. On parle alors de dysbiose.

Les bactéries intestinales présentes dans les portions proximales de l’intestin grêle n’étant pas obligatoirement retrouvées dans les selles émises, l’analyse des métabolites organiques urinaires est un complément du bilan du microbiote intestinal.

Interprétations du bilan des métabolites organiques urinaires :

L’interprétation se fait de façon globale en raison de la variabilité des composants Les métabolites formés peuvent aussi être le substrat d’un autre type microbien.
Ces phénomènes sont importants chez les micro-organismes anaérobies.
Devant les nombreuses recherches sur le microbiote, les informations délivrées ci- dessous peuvent être amenées à évoluer au fur et mesure des avancées.

La thérapeutique étant adaptée à chaque profil individuel, il sera judicieux de réaliser un second bilan pour vous assurer de son efficacité

Les valeurs individuelles ne sont pas aussi importantes que la vue d’ensemble qu’il propose sur le métabolisme.
Ces résultats dépendant de nos capacités d’excrétion, les concentrations des paramètres sont rapportées à la créatininurie

Arbre de décision :

1 – Absence de métabolites organiques urinaires bactériens et fongiques :

Cela signifie qu’aucun des métabolites recherchés ne se retrouvent dans les urines

  • Soit ils sont absents
  • Soit les processus d’élimination sont ralentis
    Il sera opportun de réaliser un bilan du microbiote intestinal si les symptômes persistent

2 – Présence de métabolites organiques urinaires bactériens uniquement = production de métabolites par des bactéries

On peut distinguer 3 grandes familles : benzoate, phenylacétate et phenylpropionate

Les benzoates sont moins virulents que les phenylpropionates et les phenylacétates.

Leurs présences de deux au moins signe le reflet d’une dysbiose intestinale probable et d’une possible déficience d’assimilation;

Le test à l’indican est marqueur d’une inflammation de la muqueuse, du métabolisme du tryptophane et d’un défaut de détoxification hépatique

Si présence d’un seul métabolite avec une valeur légèrement élevé : à surveiller. En fonction des symptômes, réaliser des bilans complémentaires;
Si présence d’un seul métabolite avec une valeur très élevée : se reporter à l’interprétation du métabolite en question;

Si présence de deux métabolites avec une valeur conséquente: se reporter à l’interprétation des métabolites en question.

  • si deux métabolites de la même grande famille : spécificité probable
  • si deux métabolites issus de deux grandes familles : l’impact est plus global mais n’en est pas moins important

Si présence de trois ou plus de métabolites avec une valeur conséquente: dysbiose importante. Des bilans complémentaires sont à envisager

3 – Présence de métabolites organiques urinaires fongiques uniquement = Production de métabolites par des levures ou/et des champignons

2 grandes familles :

– Arabinose / arabinitol : spécifiques du Candida

– Tartatrate / citramalate / Furan-2-Caboxylate: non spécifiques

La présence des métabolites organiques urinaires fongiques est généralement le reflet du dysmétabolisme des hydrates de carbones favorisant ainsi une nourriture pour les levures et/ou les champignons

Une très forte augmentation de plusieurs métabolites fongiques peut être le marqueur d’une addiction

4 – Présence de métabolites organiques urinaires bactériens et fongiques = Production de métabolites par des bactéries et par des levures ou/et des champignons

Cette double présence signe un impact important et une dysbiose probable.

Pour l’interprétation, référez-vous à chacun des métabolites retrouvés

Limites :

Le bilan des métabolites organiques urinaires est non exhaustif
Seuls les métabolites ayant fait l’objet d’études publiées sont recherchés
Les populations bactériennes sont en constante évolution de part l’avancée de la recherche, de l’apparition de nouvelles espèces et des modifications de leurs noms. La vue d’ensemble proposée restant incomplète, il est nécessaire d’en tenir compte et de s’interroger sur les bilans complémentaires à réaliser. Le bilan du microbiote intestinal est un premier complément

Pistes thérapeutiques :

Les symptômes métaboliques consécutifs d’une dysbiose peuvent être améliorés en modifiant le microbiote selon 7 voies :

  • une alimentation favorisant le développement des bactéries bénéfiques
  • une alimentation limitant le développement des micro-organismes indésirables
  • une antibiothérapie ciblée sur les espèces à éliminer. Cette option est à envisager sur du court terme afin de limiter la pression de sélection
  • Un apport de micro-organismes vivants non pathogènes par des probiotiques bénéfiques dans certains cas
  • Un apport de composants alimentaires non digestibles par des prébiotiques, utiles à la croissance de certaines populations bactériennes
  • Un apport de symbiotiques combinant pro et prébiotiques après validation de sa pertinence
  • Une transplantation fécale avec l’objectif d’implanter un microbiote bénéfique à la place d’un microbiote altéré